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Celles qu’on regarde mais qu’on ne connaît pas. À Vitry-sur-Seine, surtout au Plateau ou vers Balzac, les filles maghrébines marchent entre les regards, fières et mezyana, mais toujours sur leurs gardes. Moi, fils de daron venu d’Oran, j’ai grandi à les voir passer, voilées ou cheveux au vent, souvent jugées, jamais vraiment approchées. Ici, le regard des hommes, c’est comme un mur : on kiffe en silence, on parle entre nous, mais s’arrêter pour leur parler, c’est presque haram. Pourtant, un soir aux Ardoines, j’ai croisé Samira. Elle a ri à une blague, sans peur, et j’ai compris qu’il fallait briser ce mur. À Vitry, rencontrer une femme maghrébine, c’est d’abord apprendre à la respecter, à voir au-delà des clichés du quartier. Parce qu’elles valent plus que nos regards, elles méritent qu’on les connaisse vraiment.
Vitry-sur-Seine
Celles qu’on regarde mais qu’on ne connaît pas.
Dans les rues de Vitry-sur-Seine, il y a des filles qu’on croise tous les jours, celles qui marchent vite, capuche sur la tête, écouteurs vissés dans les oreilles. On les voit passer devant la boulangerie du Plateau, devant le kebab de Balzac, ou attendre le bus aux Ardoines. On les regarde, parfois un peu trop, mais on ne les connaît pas vraiment. On croit savoir, on imagine, on juge. Mais la vérité, c’est qu’on ne sait rien de ce qu’elles vivent.
Moi, j’ai grandi ici, entre les tours et les terrains vagues, avec les darons qui crient du balcon et les petits qui traînent en bas. J’ai appris à reconnaître les regards, ceux qui pèsent, ceux qui protègent, ceux qui jugent. Les filles du quartier, elles portent tout ça sur leurs épaules. Elles sont mezyana, fières, mais toujours sur leurs gardes. Parce qu’ici, le regard des hommes, c’est comme un mur invisible. Tu veux parler à une fille, la connaître, mais tu sens tout de suite le poids du haram, le regard des anciens, des cousins, des voisins. On dirait que c’est interdit d’être juste normal avec elles.
Parfois, je les envie, ces filles. Elles ont une force que beaucoup ne voient pas. Elles avancent, malgré tout, malgré les rumeurs, malgré les regards. Elles kiffent la vie à leur façon, entre deux mondes, entre la daronne qui surveille et les rêves d’ailleurs. Mais pour les rencontrer, vraiment, il faut du respect, de la patience. Pas juste un "salut" lancé à la va-vite devant la supérette. Il faut montrer qu’on n’est pas comme les autres, qu’on comprend ce que c’est de vivre ici, avec les codes, les interdits, les envies de liberté.
À Vitry, tout le monde se connaît, mais personne ne se parle vraiment. Les vrais récits ne sont pas sur Netflix, ils sont ici.