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Celles qu’on regarde mais qu’on ne connaît pas. À Montauban, entre les tours de Beausoleil et les bancs de la Médiathèque, j’ai croisé Leïla. Salam, elle me lance, un sourire timide, le foulard ajusté, les yeux vifs. Chez elle, la dar c’est sacré, la famille veille, les traditions serrent fort. Mais dans ses silences, je sens la galère de l’émancipation, ce bghit de liberté qui pulse sous la peau. À Sapiac, elle rêve d’études, de soirées entre copines, d’un amour choisi, pas imposé. Elle avance, fragile et forte, entre deux mondes qui s’ignorent. Ici, être femme maghrébine, c’est jongler entre le respect du bled et l’appel du dehors. Montauban la regarde passer, sans toujours voir la lutte douce qu’elle mène, chaque jour, pour exister autrement.
Montauban
Celles qu’on regarde mais qu’on ne connaît pas.
À Montauban, les après-midis s’étirent lentement sur les bancs de la Médiathèque, là où les rayons de soleil filtrent à travers les grandes baies vitrées. C’est ici, entre deux étagères, que tu croises parfois son regard, furtif, baissé, comme si elle s’excusait d’exister trop fort. Elle porte un foulard coloré ou parfois laisse ses cheveux libres, selon les jours, selon l’humeur de la dar, selon ce qu’elle s’autorise. Elle vient souvent seule, un livre à la main, le téléphone jamais loin, guettant un message de la famille ou d’une amie, prête à rentrer si la galère commence.
Dans les rues de Beausoleil, la vie a une odeur de pain chaud et de coriandre. Les femmes maghrébines y avancent d’un pas rapide, entre le marché et la maison, entre les attentes de la tradition et le souffle d’un ailleurs. Elles rient fort entre elles, mais se taisent quand tu passes, par pudeur ou par habitude. Elles savent ce que c’est que d’être regardées sans être vraiment vues, d’être jugées sur un mot, un geste, un vêtement. Salam, tu lances parfois, pour briser la glace, mais la distance reste, comme un voile invisible.
À Sapiac, les soirs d’été, les familles se retrouvent sous les lampadaires, les enfants jouent au ballon, les mères discutent en arabe, les pères parlent fort de travail et de politique. Elle, elle rêve souvent d’autre chose. Bghit voyager, bghit étudier, bghit aimer sans avoir à demander la permission. Mais la dar, c’est sacré, et la tradition, c’est lourd à porter. Elle jongle entre les attentes de la famille et ses propres désirs, entre le respect du haram et l’appel de la liberté. Parfois, elle s’échappe, le temps d’une promenade sur les berges du Tarn, là où personne ne la connaît, là où elle peut respirer.
Tu veux la rencontrer, mais tu dois comprendre ce tiraillement qui la traverse. Elle n’est ni tout à fait d’ici, ni tout à fait de là-bas. Elle avance sur un fil, fragile et courageuse, entre les regards des autres et ses propres rêves. Elle n’attend pas qu’on la sauve, elle cherche juste à être comprise, à être aimée pour ce qu’elle est, sans condition.
Entre haram et liberté, il y a l’humain.