
Annonces beurettes
Ces filles qu’on croise en bas de la cité, voilées ou cheveux au vent, elles ont ce truc bledi dans le regard, une force tranquille qui me fait espérer. J’habite Bron, entre Terraillon et Les Essarts, là où la vie pulse fort, où les darons surveillent du balcon et où la mixité, franchement, elle galère à s’imposer. Je cherche une la3ziz, une vraie, pas une jaya de passage, mais une sœur d’ici, qui comprend ce que c’est de grandir entre traditions et rêves de liberté. Parfois, je me dis qu’on est tous enfermés dans nos cases, que les rencontres se font à moitié, freinées par la peur du qu’en-dira-t-on. Mais moi, j’y crois encore, à cette histoire possible, à Bron, entre deux mosquées et un terrain de foot, là où nos cœurs battent plus fort que les clichés.
Ces filles qu’on croise en bas de la cité, elles ont ce truc dans le regard, mi-fierté, mi-défense. À Bron, surtout à Terraillon ou aux Essarts, on les voit marcher en groupe, rire fort, parler vite, parfois en arabe, parfois en français, souvent un mélange des deux. Elles sont la3ziz, fières de leur bled, de leurs darons, de leur histoire. Mais derrière les sourires et les blagues, il y a cette frontière invisible, celle qui sépare les garçons des filles, même quand on a grandi ensemble, même quand on partage la même cour d’école, les mêmes souvenirs de Parilly, les mêmes rêves de partir, ou de rester.
Moi, je les regarde, ces filles, et je me demande comment on en est arrivé là. Pourquoi c’est si compliqué de se parler vraiment, de se rencontrer autrement qu’à travers les regards volés dans le hall ou les discussions sur Snap. Ici, la mixité, c’est un mot qu’on entend à la télé, mais dans la vraie vie, dans nos quartiers populaires, elle est toujours contrariée. Les darons veillent, les grands frères surveillent, et même nous, on s’auto-censure, on n’ose pas. On a peur du qu’en-dira-t-on, peur de briser les codes du bledi, peur de ne pas être à la hauteur de ce que la famille attend.
Pourtant, on a tous ce même besoin d’amour, de partage, de complicité. On rêve tous de trouver une jaya qui comprenne nos galères, qui connaisse la valeur d’un couscous du vendredi, qui sache pourquoi on tient à nos traditions, mais qui ait aussi envie de liberté, de s’inventer un chemin à elle. Mais ici, à Bron, la rue parle fort, elle impose ses règles. Les filles se protègent, les garçons se méfient, et au final, on se croise sans vraiment se rencontrer.
Mais je garde espoir. Parce que parfois, au détour d’un banc à Parilly, ou devant la boulangerie des Essarts, il y a un sourire, un mot, un échange qui brise la glace. On se rappelle alors qu’on est tous pareils, qu’on a tous envie d’aimer et d’être aimé, malgré les murs, malgré les regards. La rue est dure, mais les cœurs y battent fort.